Le Quatrieme Mur | Eric Corbeyran, Sorj Chalandon
L'idee de Samuel etait belle et folle: monter l'Antigone de Jean Anouilh a Beyrouth. Voler deux heures a la guerre, en prelevant dans chaque camp un fils ou une fille pour en faire des acteurs. Puis rassembler ces ennemis sur une scene de fortune, entre cour detruite et jardin saccage. Samuel etait grec. Juif, aussi. Mon frere en quelque sorte. Un jour, il m'a demande de participer a cette treve poetique. Il me l'a fait promettre, a moi, le petit theatreux de patronage. Et je lui ai dit oui. Je suis alle a Beyrouth le 10 fevrier 1982, main tendue a la paix. Avant que la guerre ne m'offre brutalement la sienne. (Sorj Chalandon) Un texte magnifique, recompense par 3 prix dont le Goncourt des lyceens 2013, adapte par Eric Corbeyran et mis en images par le talentueux Horne qui travaille cette fois-ci a l'encre. Entre comme journaliste dans les camps palestiniens de Sabra et de Chatila au dernier jour des massacres, en septembre 1982, j'ai garde pour moi ce qu'abandonne un homme qui marche dans du sang humain. Un journaliste doit rapporter les guerres sans les pleurer. Je ne les ai pas pleurees. Alors j'emmene Georges (jeune metteur en scene francais et personnage principal du roman) d'ou je viens. Je lui offre mes larmes, ma colere, mes doutes. Et surtout, je l'envoie la ou je ne suis pas alle, au plus loin de ce que la guerre arrache aux hommes. Le Quatrieme mur est l'histoire d'un enfer. Je me suis arrete a sa porte et je regarde Georges s'y jeter.